31.5.12

Réflexion sur la relation entre l'évolution économique, politique et sociale en ex-Yougoslavie, la restauration du capitalisme et la montée des nationalismes


 (Portrait de Tito détruit pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine en 1992-1995)

Philippe Alcoy


La Yougoslavie est morte. Ou devrait-on dire qu’elle a été assassinée ? En tout cas, il est vain de se focaliser simplement sur la façon dont la fin de la Yougoslavie s’est produite : dans un bain de sang, le carnage le plus important sur le sol européen depuis la Seconde Guerre Mondiale. Pour mieux comprendre cette fin tragique il faut se pencher sur l’évolution sociale, économique et politique connue par ce pays depuis au moins la fin de la guerre de libération (1941-1945). L’étude de cette évolution est d’autant plus importante que « la crise yougoslave illustre ce qu’il y [avait] de plus général dans les impasses du “socialisme réellement existant”. A maints égards, l’expérience yougoslave dans les décennies passées a anticipé bien des conflits et contradictions qui ont surgi plus tard ailleurs, en Europe de l’Est et en URSS »[1].


Plusieurs spécialistes[2] ont signalé les caractéristiques particulières de la Yougoslavie « titiste », notamment sa structure politique et économique décentralisée, ou plutôt « multicentrique » comme diraient certains[3]. Après la rupture entre Staline et Tito en 1948, le régime « décentralisé » yougoslave se voulait « alternatif » au modèle « centraliste et bureaucratique » de l’URSS. C’est justement au début des années 1950 que l’on introduit l’autogestion dans les entreprises, ce qui donnait certes un certain « droit de regard » aux producteurs mais qui restait dans un cadre politique bureaucratique[4] de parti unique et sans le droit pour les travailleurs yougoslaves de s’organiser indépendamment des syndicats, organisations culturelles et politiques officiels. 
Tout au long de son existence, ce « modèle » de « socialisme autogestionnaire » a connu des périodes de réformes qui ont déterminé son évolution[5]. L’une des réformes les plus importantes a été celle de 1965 dite « libérale » qui introduisait en effet plusieurs mécanismes économiques marchands pour rendre l’économie yougoslave « plus rentable » et « compétitive » : « Pour les partisans du “socialisme de marché”, une autogestion libre des contraintes du plan et de l’Etat, soumise aux lois de la concurrence, serait plus efficace ; ils peuvent simultanément se faire les défenseurs d’une croissance plus rapide des Républiques riches, impliquant une réduction du rôle redistributif du plan jugé bureaucratique »[6]. Ce « retrait » de l’Etat à la faveur de mécanismes marchands soi-disant « objectifs » affaiblira les liens de solidarité entre les républiques et provinces. Ainsi, dans les Républiques « riches » (Slovénie et Croatie) lors de mouvements de contestation, on se prononcera « pour l’accentuation de l’autonomie financière, économique et politique, contre les mécanismes redistributifs identifiés aux pleins pouvoirs de “Belgrade” — c’est-à-dire non seulement du “centre”, mais aussi de la Serbie où se localise ce centre. Les écarts de niveaux de vie se creusent. Les grèves s’étendent. Des conflits éclatent entre les pouvoirs républicains et le centre fédéral autour de la question des devises (ceux-ci concernent surtout la Croatie dotée de côtes touristiques) »[7].

Les révoltes sociales provoquées par les effets de cette réforme « libérale », pousseront les dirigeants de la Ligue Communiste de Yougoslavie (LCY) à en mettre un terme. Il s’ensuit une période de « rétablissement de l’intervention de l’Etat » dans l’économie, parallèlement à un élargissement des droits décentralisés des Républiques et des provinces. Mais ce « retour en arrière » ne pourra pas freiner le processus de distension des liens de solidarité entre les différentes composantes de la fédération. Au contraire, en quelque sorte les nouvelles réformes et politiques du gouvernement accentueront les tendances « nationalistes » : « Les marchés républicains et provinciaux se ferment, car les autorités poussent les OTA[8] à passer des accords autogérés, ce qui élimine les fournisseurs des autres républiques et provinces. Le marché yougoslave unitaire, dont l'inviolabilité est inscrite dans la Constitution elle-même, tombe en lambeaux, d'invisibles frontières de nature économique venant se superposer aux lignes de démarcation politiques »[9].

La décennie des années 1970 a été marquée par un endettement extérieur croissant, ce qui s’est accéléré après la crise économique de 1973-74. Même si depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et la nationalisation de l’économie, la Yougoslavie avait connu une industrialisation très importante et rapide, avec une augmentation considérable du niveau de vie de la population, les limites de « la construction du socialisme dans un seul pays » se révélaient de plus en plus clairement. La Yougoslavie était fortement dépendante des importations depuis les pays capitalistes développés des produits technologiques (machines-outils, pièces de rechange, etc.) qui lui permettraient en même temps d’augmenter la productivité de son économie. Les entreprises yougoslaves sont contraintes alors de s’endetter pour financer leur fonctionnement et leurs investissements. A cela il faut ajouter une balance commerciale déficitaire et une inflation en progression constante. On a alors une situation explosive : « On cherche souvent à l'étranger les capitaux pour les projets d'investissement : d'où une montée de la dette extérieure, que ne peut rééquilibrer une balance commerciale de plus en plus déficitaire (la balance des paiements courants est quelque peu meilleure mais elle n'est pas saine non plus). Le marché intérieur est si actif que les producteurs n'ont guère envie de battre les sentiers épineux de l'exportation, où un dinar surévalué les défavorise face aux concurrents étrangers. Finalement, les ressources étant par définition limitées, la pression de la demande globale se traduit en inflation. Les hausses annuelles de l'indice du coût de la vie sont toujours à deux chiffres, avec une pointe de 20 % en 1973-75 qui se répétera en 1979 »[10]. Ou encore : « La consommation en investissements et personnelle a dépassé les possibilités du pays. L'inflation a été une source de financement du développement. Surtout, il a fallu recourir en permanence à des crédits extérieurs, les devises gagnées par les émigrés économiques contribuant de leur côté à la consommation personnelle. Comme a pu l'écrire un politologue yougoslave l'endettement extérieur était le signe de la crise et non sa cause (…) Les importants crédits souscrits à l'étranger dans les années 1970 ont été attribués aux dirigeants des républiques pour leur permettre de renforcer leur pouvoir après la destitution des dirigeants dans les années 1971-1972 »[11].

Au début des années 1980 la dette extérieure yougoslave s’élevait à plus de 20 milliards de dollars. Pour essayer de « redresser » la situation les autorités adoptent en 1981 un « programme de stabilisation » qui consistait à réduire les dépenses de l’Etat, à faire baisser l’inflation à travers « la restriction de la consommation personnelle » (baisse des salaires) et à augmenter les exportations en dévaluant le dinar. Ce « programme de stabilisation », fortement « conseillé » par le FMI, aura également des conséquences sur la structure politique et économique du régime yougoslave. En effet, le FMI considérait que pour appliquer ses « recommandations » la Yougoslavie devait se doter d’un gouvernement fort et centralisé, et il exercera une pression sur les dirigeants yougoslaves en ce sens. Cela voulait dire que ceux-ci devaient remettre en cause, au moins partiellement et/ou graduellement, non seulement « l’autogestion » dans les entreprises (et le poids trop « exagéré », aux yeux des bailleurs de fonds, des salariés au sein de celles-ci) mais aussi des droits des Républiques fédérales. Le gouvernement d’Ante Marković, le dernier Premier Ministre yougoslave qui assume son poste de en 1989, a incarné peut-être le mieux cette tendance. En effet, celui-ci « représentait l’instrument direct d’un projet restaurationniste à l’échelle de la fédération, selon une logique recentralisatrice soutenue par les créditeurs, le FMl en premier lieu. Son orientation était par essence non nationaliste, ouverte au capital étranger et à l’insertion dans le marché mondial et l’Europe libérale. Elle s’est heurtée de front à la montée des pouvoirs républicains (y compris libéraux) dans un contexte de crise économique et d’inégalités de développement poussant les plus riches à se défaire du “fardeau” des autres (volontiers caractérisés comme “incapables”, non civilisés, bref “indignes” de l’Europe) »[12].

Cette situation a en quelque sorte encouragé des attitudes « hégémonistes » et centralisatrices pour les tendances nationalistes serbes, d’une part, et des tendances « indépendantistes » parmi les nationalistes croates et slovènes, d’autre part. Cependant, là où existait un certain « consensus » entre tous c’était dans le projet de restauration du capitalisme : « entre Républiques, les contextes, les dynamiques et les résultats n’étaient pas les mêmes : certes, l’Europe des riches [était] attirante pour tous les peuples. Chacun s’en [réclamait] et tous — y compris le “socialiste” Milosevic — [voulaient] faire appel au marché et à la propriété privée. Mais les chances de s’insérer dans le monde capitaliste, ou d’en recevoir les capitaux, [n’étaient] pas égales. Dès lors, l’éclatement en Etat-nations sera ici (chez les plus riches) dominé par la volonté d’accélérer cette insertion ; alors que chez d’autres (les plus pauvres) il y aura résistances pragmatiques (“populistes” ou réalistes ?) au libéralisme »[13].

Mais les plans d’austérité et les « programmes de stabilisation » appliqués par le gouvernement yougoslave n’ont pas seulement provoqué la réaction des dirigeants républicains et provinciaux mais aussi du mouvement ouvrier. Des vagues importantes de grève se sont développées à travers tout le pays[14] et la légitimité des dirigeants du sommet de l’Etat commence à être remise en question : « Le marasme de l’économie, le chômage des jeunes et une promotion sociale enrayée, la dégradation générale d’un niveau de vie fort convenable, les perpétuels débats au « sommet » de l’appareil, autant de facteurs qui sapent la cohésion sociale et la légitimité de la couche qui prétend gouverner (même si le système lui-même conserve un soutien populaire indéniable, ce qui explique peut-être la lenteur de son agonie) (…) Episode révélateur de la perte d’autorité du parti : quand une cellule ordonne à ses membres –des mineurs en grève- de reprendre le travail, la grande presse se gausse de ces responsables communistes « briseurs de grève » et donne largement la parole aux mineurs, à leurs revendications et à leurs griefs contre le haut encadrement et un syndicat où ils ne se reconnaissent pas »[15].

Dans ce contexte de perte de légitimité du pouvoir politique au sein de la population, on comprend que celui-ci allait essayer de mobiliser un discours politique et idéologique capable de se ré-légitimer. Mais comme on l’a vu, en Yougoslavie le pouvoir politique était particulièrement décentralisé (par rapport à un centre fédéral unique). Cette décentralisation du pouvoir politique permettait aux bureaucraties locales de constituer un réseau local de privilèges économiques. La remise en cause de cette relative « autonomie » des pouvoirs politiques locaux par la nouvelle situation de crise économique et de plans d’austérité était en ce sens une menace directe aux privilèges des bureaucrates, notamment ceux des régions les plus favorisées. C’est en s’appuyant sur cette volonté réelle du pouvoir central que va se développer le discours nationaliste des dirigeants croates et slovènes. Parallèlement, le nationalisme serbe, qui s’était toujours vu comme une « victime » du fédéralisme yougoslave, s’adaptait volontiers à la nouvelle période « recentralisatrice », mais évidemment cela devait se faire sous l’hégémonie serbe. Les nationalistes Grand-Serbes comptaient avec le soutien (direct ou indirect) des leaders de Républiques plus pauvres qui, comme on l’a vu, étaient plus réticents par rapport à « l’ouverture au marché mondial ».

Mais cette division entre les « réticents » à une ouverture (en tout cas considérée « trop rapide ») au marché mondial et les « libéraux » n’est pas une exclusivité de la Yougoslavie. On peut dire qu’elle a traversé (et traverse encore, quoique différemment) tous les pays de l’ex « bloc soviétique ». C’est ce qui signale Wladimir Andreff par rapport au problème de la vente des entreprises d’Etat à des investisseurs étrangers dans plusieurs pays d’Europe de l’Est et Centrale : « L'ampleur des privatisations par les insiders (43 % de toutes les privatisations réalisées dans les EET[16] contre 13 % par vente d'actifs) a créé des réseaux de défense des intérêts acquis dans, et entre, les firmes privatisées, allant à l'encontre de la promotion d'un environnement concurrentiel dans les EET et favorisant le maintien de structures d'offre monopolistiques ou oligopolistiques. Ceci est illustré jusqu'à la caricature par la formation des groupes industriels et financiers (Mesnard, 1999) et le pouvoir des oligarques en Russie, mais des formes atténuées en sont les nombreuses participations croisées au capital entre les entreprises hongroises ou les réseaux financiers de contrôle des entreprises par les holdings (anciens fonds de privatisation) tchèques, dont les actionnaires sont les banques, plusieurs appartenant encore à l'État. Les délits d'initiés, les malversations, l'évasion fiscale et la corruption ont en outre été, à des degrés divers, le lot commun de tous les programmes de privatisation (Blasi et al., 1997; Bornstein, 1999; Cuckovic, 1997), ce qui, au lieu de faire des privatisations une école d'apprentissage de l'éthique des affaires en économie de marché, a au contraire renforcé les habitudes de tricherie, de comportement illégal et de criminalité économique héritées de l'ancienne EPS[17]. L'idée d'un « capitalisme des copains» en Russie et dans d'autres EET, émise par un ancien directeur du FMI, est en grande partie fondée sur ces défaillances des privatisations »[18]. Ou encore, un autre analyste signale : « Le rôle du capital étranger s'est avéré décisif dans la privatisation des grandes entreprises hongroises : la proportion du capital étranger a atteint 80 % du total des recettes de privatisation en 1991, 55 % en 1992 et 66 % en 1993. Tout en se félicitant de cet apport d'investissements extérieurs, les autorités hongroises se sont préoccupées en 1993 de la mise en place de modalités de crédit aptes à faciliter la participation des citoyens hongrois. Par ailleurs, des appréciations critiques ont commencé à être émises sur les retombées de l'investissement extérieur dans certains secteurs de l'économie : éviction des produits hongrois des chaînes commerciales acquises par des investisseurs étrangers, maintien des situations de monopole antérieures, etc. Il n'est pas exclu que des problèmes analogues apparaissent à terme dans d'autres pays de la zone. En République tchèque, au premier semestre 1994, la privatisation de l'industrie du raffinage a donné lieu à un débat difficile et le gouvernement tchèque a finalement décidé de rejeter l'offre de reprise faite par des compagnies étrangères et de privilégier une solution nationale »[19].

En quelque sorte, les débats en Yougoslavie vers la fin des années 1980 et début des années 1990 ont anticipé ceux qui se sont développés par la suite dans les autres pays d’Europe Centrale et de l’Est en plein processus de réintroduction du capitalisme. Les conséquences des privatisations et de la pénétration du capital impérialiste dans ces pays créaient une situation favorable à la prolifération du discours nationaliste : défense des intérêts nationaux contre les communistes qui les ont bafoués pendant plus de quatre décennies et contre « la globalisation » et le néolibéralisme[20]. Même si au début les dirigeants croates et slovènes semblaient représenter une aile « libérale » dans processus, au cours des années 1990 les tendances politiques intérieures prenaient des caractéristiques semblables à celles des pays voisins[21].
    


[1] SAMARY Catherine, La fragmentation de la Yougoslavie. Une mise en perspective. Institut International de Recherche et Formation, Cahiers d’étude et de recherche, N° 19/20, 1992.
[2] Voir par exemple : SAMARY Catherine, Le marché contre l’autogestion. L’expérience yougoslave, La Brèche/Publisud, 1988 ; SAMARY Catherine, Plan, marché et démocratie. L’expérience des pays dits socialistes, Institut International de Recherche et Formation, Cahiers d’étude et de recherche, N° 7/8, 1988 ; GUEZENNEC Georges, La Yougoslavie autogestionnaire. Bilan critique d’une époque prestigieuse, Edition CREER, 1991 ; Collectif, De l’unification à l’éclatement. L’espace yougoslave, un siècle d’histoire, ouvrage collectif, Collection des Publications de la BDIC, 1998 ; SIRC Ljubo, « Socialisme de marché et conflits en Yougoslavie », In Revue d'études comparatives Est-Ouest, Volume 8, 1977, N°1. pp. 39-91.
[3] Voir SAMARY Catherine, La fragmentation de la Yougoslavie. Une mise en perspective… op. cit.
[4] Voir AHTIK Vito, « Gestion ouvrière de l’entreprise et structures économiques de la société. Naissance des conseils ouvriers yougoslaves », Sociologie et sociétés, vol. 3, n° 2, 1971, p. 189-208.
[5] Voir SAMARY Catherine, Le marché contre l’autogestion. L’expérience yougoslave, op. cit.
[6] SAMARY Catherine, La fragmentation de la Yougoslavie… op. cit., p. 11.
[7] Idem.
[8] OTA : Organisations de Travail Associé. On peut dire qu’il s’agit « d’entreprises » (note d’édition).
[9] BRERA Paolo A, « L'économie yougoslave face au programme de stabilisation » ; in Revue d’études comparatives Est-Ouest, volume 16, 1985, N°1. pp. 121-152.
[10] Idem.
[11] Canapa Marie-Paule, « Crise des nationalités et crise du système politique en Yougoslavie ». In Revue d’études comparatives Est-Ouest, volume 22, 1991, N°3. pp. 81-107.
[12] SAMARY Catherine, La fragmentation de la Yougoslavie… op. cit., p. 26.
[13] Idem.
[14] Voir : DE FELICE Micheline, « Yougoslavie : crise économique, mouvement de grève et syndicats ». In Revue d’études comparatives Est-Ouest, Volume 20, 1989, N°1. pp. 55-84.
[15] De FELICE Micheline, « La crise politique, économique et sociale des années 80 », in De l’unification à l’éclatement. L’espace yougoslave un siècle d’histoire, ouvrage collectif dirigé par L. GERVEREAU et Y. TOMIC, Musée d’Histoire Contemporaine-BDIC, 1998, pp. 152-159.
[16] Economies En Transition (note d’édition).
[17] Economies Planifiées Socialistes (note d’édition).
[18] ANDREFF Wladimir, « Le pluralisme des analyses économiques de la transition », in Analyses économiques de la transition postsocialiste, La Découverte, 2002, p. 316.
[19] Holcblat Norbert, ‘La privatisation en Europe de l'Est : problèmes, méthodes et réalités’. In: Economie et statistique, N°279-280, 1994. pp. 101-120.
[20] Voir : KULJIC Todor, “HISTORIOGRAPHIC REVISIONISM in Post-Socialist Regimes”, in The Balkans Rachomon – Historiography and literature on Dissolution of SFRY, Helsinki Files No.11, Helsinki Commitee for Human Right in Serbia, Beograd 2002, pp. 7-47.
[21] Idem.

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